Nous interrompons cette émission…

Aujourd’hui, j’ai perdu à la fois une grande partie de ma carrière professionnelle et un gagne-pain à temps partiel. Rogers a fermé 8 sites Internet dont Branchez-vous (mon gagne-pain de week-end) et Showbizz.net, que j’ai participé à lancer en 1998.

Deux chroniqueurs de La Presse, Hugo Dumas et Nathalie Collard, se sont réjouit de la fermeture de certains de ces sites. Notons qu’Hugo s’est excusé par la suite. Je n’ai pu faire autrement que leur répondre, ici:

Débranchez-nous

Aujourd’hui une série de sites Internet québécois, dont deux pionniers du Web, ont été sauvagement fermés par Rogers. Il s’en est trouvé pour s’en réjouir c’était des chroniqueurs de La Presse, Hugo Dumas et Nathalie Collard.

MISE À JOUR JEUDI 3 MAI : Nathalie Collard m’écrit ce matin. Elle veut que j’amende mon texte. Je la cite : « où ai-je écrit que je me RÉJOUISSAIS de la fermeture de BV?

C’est grave de dire ça monsieur. Vous travaillez dans les médias, vous devriez connaître le poids des mots. »

J’amende donc: Nathalie Collard n’a jamais écrit qu’elle se réjouissait de la fermeture desdits sites. Elle n’a juste pas de peine.  Revenons au texte original:

Je cite d’ailleurs Collard dont le mandat est de, rappelons-le, couvrir les médias : « Acquis par Rogers en 2010 pour la rondelette somme de 25 millions de dollars, qu’avait à offrir Branchez-Vous! que ses compétiteurs n’avaient pas? Rien. D’un point de vue d’affaires, que représentait Branchez-Vous! pour Rogers? Peu de choses, semble-t-il. En cette époque où tout le monde souhaite «décliner des contenus sur plusieurs plateformes», il n’y avait pas grand profit à tirer de ces sites web qui n’avaient aucune valeur à exploiter ».

Citons encore la même chroniqueuse, sur Twitter, dans les minutes ayant suivi l’annonce : « Branchez-vous c’était aussi beaucoup de textes repiqués des grands médias, parfois sans attribution. Je ne pleurerai pas pour ça ».

Ah bon. Peut-être que pour faire pleurer madame Collard, il faut absolument être syndiqué. Ou avoir une carte affirmant notre statut de journaliste professionnel. Ou vivre à Montréal. Ou porter un carré rouge. Je ne sais pas, vous lui demanderez.

Selon madame Collard, l’entreprise avait si peu à offrir, « rien » dit-elle, que Rogers a payé 25 millions de dollars il y a à peine 18 mois pour l’acquérir? Ça ne doit pas tourner très rond chez Rogers alors. Passons outre la conclusion effroyablement superficielle et suffisante de madame.

J’aimerais vous éclairer sur un des sites que Rogers a fermés aujourd’hui, Showbizz.net. Je le connais bien, je l’ai lancé comme rédacteur en chef sous la gouverne de mes amis Gilles et Ghislain Parent. Nous y avons laissé beaucoup de sang, d’argent, de sueur et d’âme, comme bien d’autres.

Showbizz.net fut lancé en 1998, un des tous premiers sites Internet axés showbiz, certainement le premier au Québec. Notre contenu était alors tellement « repiqué » et « sans valeur » qu’à peu près 90% des émissions radio le moindrement culturelles reprenaient nos nouvelles mot pour mot.

Notre travail était si « mal fait » que les producteurs de spectacles nous en voulaient de les « scooper » à chaque annonce de tournée.

Nous étions si peu novateurs que nous avons été les premiers au Québec à réaliser des sites officiels de grosses productions hollywoodiennes en français et à Québec. À faire débloquer du budget pour faire produire du contenu américain au Québec, vous imaginez (merci Pat)?

Nous étions si peu professionnels que nos employés se sont retrouvés chez Corus, Astral, Cogeco, TVA, V, RDS et même Protégez-Vous (salut Fred!).

Nous étions si peu passionnés que tous les employés, sans être syndiqués, ont accepté des baisses substantielles de salaire pendant un an pour aider l’entreprise à survivre. Je les salue d’ailleurs, tous et chacun, des employés formidables qui ont tellement transformé la nouvelle culturelle au Québec que certains médias pensent que le terme showbizz s’écrit avec deux z!

Eh non, le 2e z c’est parce que le nom de domaine showbiz.net était pris à l’époque!

Je ne sais pas quel est le problème des Québécois de se réjouir du malheur des gens qu’ils n’aiment pas. C’est d’une mesquinerie renversante. Les employés qui ont perdu leur boulot aujourd’hui ne feront pas jaser les columnistes, ni le gouvernement, ni les centrales syndicales. Peut-on, au minimum, respecter leur humanité et surtout réaliser que nous venons de perdre de véritables ancêtres du web québécois. Pour les autres que Nathalie Collard et Hugo Dumas, y a un peu de quoi pleurer, non?

Nicolas Lacroix, pigiste chez Branchez-vous jusqu’à aujourd’hui et rédacteur en chef de Showbizz.net de 1998 à 2002.