Mon ami Ennio

J’ai été voir le documentaire ENNIO, du réalisateur Giuseppe Tornatore (Cinema Paradiso, Une pure formalité, Malèna), sur l’extraordinaire compositeur Ennio Morricone. Si vous avez la moindre familiarité avec son œuvre, ou une certaine curiosité sur la relation symbiotique entre l’image et la musique, je vous suggère de courir aller voir le film. Vous en ressortirez avec la certitude que celui qu’on a baptisé il Maestro devrait plutôt être rebaptisé « il genio ». Morricone est la figure la plus présente du documentaire mais vous y retrouverez aussi John Williams, Tarantino, Eastwood, Bertolucci, Springsteen, Zimmer, Malick, Stone, Hetfield, Argento, Kar-wai et bien d’autres. 

Mais le génie de Morricone, je le connaissais. C’est ma réaction au film qui m’a surprise.

J’ai versé ma première larme à Il était une fois dans l’ouest

J’ai continué à travers Sacco & Vanzetti, pendant Deborah’s Theme (Il était une fois en Amérique), jusqu’à The Mission (l’incontournable Gabriel’s Oboe) , durant le Death Theme de Untouchables et bien sûr à Cinema Paradiso.

J’ai pleuré parce qu’Ennio c’est la trame sonore de ma vie. 

C’est la trame de ma découverte du cinéma, à travers mes cousins qui, quand j’avais 7-8 ans, m’ont largement parlé des films de Sergio Leone bien avant que j’en voie un. Ces mêmes cousins qui ont eu la vie très difficile et dont on a totalement perdu la trace éventuellement.

Ennio c’est la trame des films qui me permettaient de connecter avec mon père, décédé il y a quelques mois. Un moment où on prenait la peine de s’asseoir ensemble pendant quelques heures pour regarder Clint. Parce que mon père et moi connections principalement à deux moments : en regardant des films ou en jouant aux cartes. Souvent en jouant aux cartes en écoutant de la musique de films!

Ennio c’est la trame d’un amour du cinéma qui a débuté prépubère et m’a mené vers un travail en périphérie de ce domaine. Un amour qui s’est effrité, la tragédie qui frappe trop d’amours. 

Ennio est aussi celui qui m’a permis de comprendre, viscéralement et pas seulement intellectuellement, la puissance de la musique orchestrale, la charge émotive qu’elle peut contenir.

Quand j’ai commencé à m’y intéresser, le cinéma se consommait uniquement en salle et, si on était chanceux, bien des années plus tard, un jour le film serait diffusé, à l’heure appropriée, sur une chaîne télé généraliste. Point. Les films nous marquaient davantage en partie parce que l’expérience devait te durer des jours, des semaines, des mois avant d’en voir un autre, ou des années avant de le revoir. Le film n’avait pas le choix que de t’habiter un moment, parce qu’il avait toute la place dans ta tête et dans ton cœur. Il n’en démarrait pas un autre automatiquement 7 secondes plus tard. L’accessibilité aux films qui est arrivée avec la vidéo est merveilleuse mais a aussi affaibli l’impact de chaque film individuel. Et de sa musique. Ennio c’est ma jeunesse, c’est mes années formatrices, c’est tous les gens qui ne sont plus dans ma vie, c’est l’implacable passage du temps contre lequel on nous averti sans cesse quand on est jeune mais dont l’incroyable cruauté nous frappe seulement à partir de 40-50 ans.

Ennio c’est mon ami le plus fidèle, le plus constant, celui qui perce sans effort aucun  les couches dures qui entourent parfois mon cœur. 

Publié par

Nicolas Lacroix

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